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« Je suis administrateur judiciaire. Membre de l'IFPPC. C’est une association pluridisciplinaire qui réunit d’excellents spécialistes de la prévention et du traitement des entreprises en difficulté. Je dois écrire un article pour son bulletin mensuel sur l'utilisation de l’IA pour les professionnels de l’insolvabilité . 2 pages maximum. Propose-moi une rédaction.»
C’est l’instruction que j’ai transmise vendredi 17 mai à 17h30 à l’une des IA les plus réputées de la planète.
Confiant sur le fait que sa proposition serait parfaite, et que je pourrais partir en week end à 18h, juste après avoir transmis le projet d’article à Auréliano.
Ma déception fut grande deux pages de généralités que je vous épargne, à l’image de la banalité de sa proposition de conclusion :
« L'IA est une opportunité pour les professionnels intervenant dans le domaine des entreprises en difficulté, à condition qu'elle soit utilisée de manière pertinente, éthique et humaine. Elle peut leur permettre de gagner en efficacité, en qualité et en valeur, en leur offrant des informations, des analyses, des solutions ou des recommandations adaptées à chaque situation. Elle peut également leur permettre de gagner en temps, en coût et en satisfaction, en leur facilitant les tâches, les processus, les négociations ou les décisions. Elle ne peut toutefois pas se substituer à leur expertise, à leur expérience ou à leur jugement, qui restent indispensables pour accompagner les entreprises en difficulté. »
Personne ne peut être en désaccord avec ce texte … aussi consensuel que passe partout et inutile.
Inutile l’IA ? Dans un grand quotidien économique, j’ai pourtant lu, aujourd’hui même :
Ca mérite donc de persister… Donc je persiste, je retente,
je complète ma demande, je la précise. C’est parfois mieux, parfois moins bien.
Je constate que l’IA, elle, ne perd jamais patience : elle répond.
Inlassablement.
Je commence alors à comprendre, lentement, que la qualité de
la réponse dépendra surtout de la façon dont on pose la question.
Je lis que formuler sa demande, ça s’appelle écrire un prompt, et que ça
s’apprend. Qu’il faut tester, s’entrainer, recommencer, tâtonner. Toujours dans
Les Echos du jour : « Prompt engineer : le métier à la mode qui n'existe pas
vraiment. Et si écrire des requêtes à des IA était un métier ? »
C’est à ce moment-là que j’ai prévenu mon épouse de ne pas m’attendre pour le dîner et Auréliano qu’il aurait mon article — au mieux — à la fin du week-end.
Après avoir interrogé quelques confrères, quelques amis, mes surtout mes enfants, quelques idées se dessinent. Après avoir fait des tests, quelques pistes apparaissent :
Je teste ensuite une question juridique, précise mais binaire, que je me m’étais posée le semaine précédente :
Moi : Est-ce que le juge commissaire suppléant dans une procédure de redressement judiciaire peut siéger dans la composition du tribunal ?
Réponse, en direct, sans aucun délai :
Copilot : Non, le juge commissaire suppléant dans une procédure de redressement judiciaire ne peut pas siéger dans la composition du tribunal. Selon l’article L. 662-7 du Code de commerce, le juge commissaire (ou le juge commissaire suppléant) ne peut, à peine de nullité du jugement, siéger dans les formations de jugement, ni participer au délibéré de la procédure dans laquelle il a été désigné (1) (2). Cette règle assure l’impartialité et l’indépendance du juge commissaire dans sa mission de surveillance de la procédure.
Et en prime, il cite ses sources, que l’on peut donc vérifier et approfondir. Bluffant ! donc l’IA c’est utile et ça fonctionne vraiment.
Je monte la difficulté d’un cran et je l’interroge sur une question relative à la résiliation du bail pour défaut de paiement d’une échéance en période d’observation. Las : réponse — totalement — à côté de la plaque. Et dans un style rédactionnel qui ne laisse aucune place pour le doute ou la nuance, qui laisse penser que l’auteur est aussi compétent que sûr de lui.
Mais cette fois, sa réponse est — totalement — fausse. Ce n’est plus du tout le collaborateur excellent, mais un peu junior. Cette fois, c’est plutôt le collaborateur à éviter à tout prix : celui qui écrirait avec un aplomb convaincant, des choses totalement fausses ou inventées.
Alors comment tirer parti de cet outil ? Quelle place dans nos organisations ?
Il semble évident à ce stade que l’IA est déjà une ressource utile pour nos activités et nos missions. Mais que son apprentissage sera progressif, et qu’il faudra investir en temps et en formation pour lui trouver sa place dans nos organisations.
Les choses évoluent à une vitesse folle, avec de nombreux prestataires qui commencent déjà à proposer des outils extraordinairement convaincants (notamment les éditeurs juridiques). Ou des solutions logicielles adaptées à nos métiers et à nos pratiques, pour établir des comptes-rendus de réunion par exemple. Ou qui sont déjà intégrées dans nos logiciels métier, et qui le seront sans doute encore plus prochainement.
Mais contrairement à d’autres investissements matériels, les solutions proposées sont généralement facturées par utilisateurs et par mois. Quelques dizaines d’euros pour les applications grand public, mais plusieurs centaines d’euros pour les outils les plus pointus. Ce qui imposera aussi de faire une sélection, selon l’usage que l’on en aura, dans une offre qui évolue profondément chaque semaine.