Les cookies sur le site l’IFPPC
Ce site utilise des cookies nécessaires au fonctionnement de l'espace Adhérents et des cookies destinés à mesurer la fréquentation du site pour en améliorer la performance.
Nombreux sont celles et ceux qui se questionnent sur les problématiques inhérentes à la restructuration des PGE.
L'IFPPC a organisé en juillet 2022 un webinaire permettant de partager les bonnes pratiques à ce sujet.
Pour la tenue de ce webinaire, l’IFPPC a bénéficié de l’aimable participation de nombreux intervenants de grande qualité que nous souhaitons chaleureusement remercier.
Les animateurs :
Les intervenants :
Deux ans et demi après le début de la crise sanitaire, l’efficacité du dispositif des prêts garantis par l’Etat (PGE), couplé avec d’autres mesures de soutien aux entreprises, n’est plus à démontrer.
En effet, la vague des défaillances annoncée au début de cette crise n’a pas eu lieu et un repli marqué du nombre de procédures collectives a même été constaté par rapport au niveau normatif.
800 000 PGE ont été accordés à près de 700 000 entreprises, pour un montant d’engagement de 148 Milliards d’euros. 60% de ces PGE ont été accordés pour des montants inférieurs à 50 000 euros. (Voir les statistiques Banque de France)
Après une évolution du dispositif, les entreprises ont eu la possibilité de bénéficier de deux années de franchise avant le début de l’amortissement de ces prêts. Le pic de souscriptions ayant eu lieu sur la période de mars à juillet 2020, l’essentiel des PGE est aujourd’hui entré en phase d’amortissement.
Si l’immense majorité des PGE se trouvent aujourd’hui remboursée selon les échéanciers contractuels[1], les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires vont néanmoins avoir à traiter de PGE souscrits par des entreprises qui connaissent des difficultés importantes, structurelles ou conjoncturelles, les causes des difficultés conjoncturelles étant particulièrement nombreuses depuis 2020…
12 000 entreprises ayant bénéficié de PGE ont déjà eu recours à une procédure collective, pour un encours de PGE global de 1 Milliard d’euros.
Par ailleurs, la phase d’amortissement des PGE ayant débuté depuis quelques semaines, nous sommes en pratique de plus en plus souvent confrontés à des besoins de restructurations de PGE dans des cadres préventifs.
Si le livre VI du Code de commerce et les pratiques de place des procédures préventives sont bien connus de nos études, le cadre très règlementé des PGE nous a amené à rencontrer des questions nouvelles auxquelles il nous paraissait important d’apporter des réponses dès à présent.
Pour bien comprendre les réponses aux questions pratiques, il nous est apparu opportun de commencer par un rappel des spécificités du PGE.
A titre liminaire, il faut rappeler que le PGE est encadré par différents niveaux de textes. En effet, le dispositif s’inscrit dans un cadre européen temporaire qui se terminait au 30 juin 2022 et qui fixait la possibilité pour les Etats de mettre en place des mécanismes pour aider les entreprises à supporter les conséquences de la crise sanitaire. Le dispositif des PGE a fait l’objet d’un accord de la Commission Européenne. Ensuite, le principe de la garantie de l’Etat a été intégré dans plusieurs lois de finances successives. Les modalités de fonctionnement du PGE sont quant à elles énoncées dans un arrêté qui a été précisé au fil du temps et par une foire aux questions (FAQ). Un décret organise enfin la mise en œuvre de la garantie.
Il résulte de l’ensemble de ces textes que les PGE sont amortissables sur une durée de 1 à 5 ans, après un an de différé d’amortissement, soit une durée totale de 6 ans. Une deuxième année de différé était possible, toujours dans une durée maximale de 6 ans.
Le principe de ces prêts était qu’ils soient consentis par des établissements bancaires sans autre garantie que celle donnée par l’Etat, laquelle était donnée pour une quotité variable en fonction de la taille de l’entreprise (de 70 à 90%). Le webinaire a toutefois été l’occasion d’aborder la question de l’efficacité de la garantie de l’Etat pour l’établissement bancaire en cas de mise en œuvre d’une clause de nantissement de compte courant. Sur les rares cas qui se sont présentés à ce jour, cette clause n’a pas donné lieu à une remise en cause de la garantie de l’Etat.
Aucune modalité d’affectation des fonds provenant du PGE n’était imposée, à l’exception de celle résultant du critère dit d’additionnalité. Ce critère prévoit en effet que les fonds provenant du PGE ne pouvaient pas servir à opérer une réduction des autres encours bancaires plus rapide que celle prévue aux contrats les régissant. Sur ce point, le webinaire a été l’occasion de rappeler qu’un contrôle strict est exercé par BPIFRANCE lors de la demande de mise en œuvre de la garantie par la banque.
Enfin, trois cadres de restructuration des PGE sont envisageables en fonction du montant total des PGE octroyé à l’entreprise concernée et des besoins de restructuration exprimés par celle-ci :
La médiation du crédit n’est ouverte qu’aux entreprises qui ne
peuvent pas faire face au remboursement de leur PGE mais ont des perspectives
qui permettent d’espérer un remboursement à terme.
La méditation du crédit ne
sert pas à opérer des restructurations de confort.
Par ailleurs, dès lors qu’une restructuration des PGE est envisagée, il faut envisager concomitamment la restructuration des autres concours bancaires. Il s’agit là d’un engagement pris par la France à l’égard de la Commission Européenne. A défaut, il s’agirait d’une aide d’Etat prohibée. L’accord de place conclu avec les établissements bancaires n’a prévu de prendre en compte que les crédits à maturité à l’exception de l’affacturage et des contrats de crédit-bail[2]. Il a été mentionné certains cas dans lesquels les banques ont souhaité un passage en conciliation lorsqu’il existait des contrats de crédit-bail importants à restructurer.
L’accord à l’issue de la médiation doit aussi préciser le sort des financements à court terme et notamment l’échéance jusqu’à laquelle ces derniers seront maintenus au profit de l’entreprise.
Enfin, il a été rappelé qu’aucune garantie complémentaire ne peut être prise en cas de restructuration.
A fin juin 2022, 304 dossiers de médiation avaient été ouverts au niveau national et 30% avaient donné lieu à un accord.
Sauf exception, ces restructurations via la médiation du crédit se limitent aux PGE d’un montant cumulé maximum de 50 000 euros. Les PGE dont le montant cumulé dépasse 50 000 euros ont quant à eux vocation à être restructurés dans le cadre de procédures de conciliation.
Dans l’esprit de la Commission Européenne, la garantie de l’Etat est une aide d’Etat. Le rôle des administrateurs et mandataires judiciaires, sous l’égide du Tribunal (cadre judiciaire indépendant) a été l’argument fort vis-à-vis de la Commission Européenne pour permettre ces restructurations. Cela renvoie au principe du traitement non différencié.
Dans ce cadre, l’administrateur ou le mandataire judiciaire, qui dépend du Tribunal, est le tiers de confiance qui garantit une égalité de traitement des différentes entreprises.
Si des situations déséquilibrées devaient ressortir en pratique, la Commission Européenne pourrait a posteriori considérer que le traitement différencié est une aide d’Etat.
Il convient toutefois de rappeler que l’égalité de traitement n’a de sens que si l’on est face à des créances de niveaux et de qualités équivalents. Il est donc possible de restructurer les différents encours bancaires, dont le PGE, de manière différenciée, en tenant compte de la maturité des concours, des garanties ou de l’antériorité des efforts. Cet équilibre doit être recherché au cas par cas sous le contrôle du juge et ne doit pas conduire à faire porter l’intégralité du risque à l’Etat.
Une question que les chefs d’entreprise se posent fréquemment avant d’engager la restructuration de leurs PGE est celle de l’impact qu’aurait cette restructuration sur la cotation BDF.
Indirectement, leur crainte est que cette restructuration ait des conséquences sur leurs encours fournisseurs (éventuellement couverts par une assurance-crédit) plus négatives que l’apurement de la dette de PGE à l’échéance.
Si la question ne se pose pas réellement lorsque la trésorerie ne permet pas de couvrir l’échéance de remboursement, elle se pose avec acuité pour le chef d’entreprise qui anticipe des difficultés de remboursement sur la durée, lorsque sa capacité de remboursement ne couvre pas la charge de remboursement de ses emprunts.
Sur ce point, le webinaire a été l’occasion de rappeler que les cotations BDF se décomposent en cotations éligibles au refinancement (4 et plus) et en cotations non éligibles au refinancement (5 et moins).
Les règles européennes imposent seulement de considérer qu’un crédit qui n’a pas été honoré selon son échéancier contractuel initial soit déclaré en défaut auprès de la BDF, qu’il soit garanti par l’Etat ou non. Si un PGE est restructuré, le contrat initial n’a pas été respecté et ce mécanisme trouve à s’appliquer.
Les règles de contagion imposent de considérer que si un crédit n’a pas pu être remboursé, l’ensemble des crédits sont en défaut.
Plus précisément, il existe trois règles de défaut qui entrainent la mise en œuvre du mécanisme :
Dès lors que l’un de ces cas est déclaré, la cotation BDF doit en tenir compte et peut au mieux être fixée à 5 (meilleure cotation parmi les non-éligibles).
Dès lors qu’un cas de défaut est déclaré, il doit être maintenu au minimum pour une durée de 1 an. Il sera ensuite levé en fonction de l’appréciation de l’établissement bancaire qui prend en compte le respect du nouveau plan d’étalement et des perspectives de l’entreprise. Il peut au maximum être maintenu jusqu’au remboursement intégral du crédit restructuré.
En pratique, les entreprises qui anticipent des difficultés à rembourser leurs PGE sont presque toutes déjà affectées de cotations non éligibles. Dès lors, la restructuration des concours bancaires pour ces entreprises peut n’entrainer aucun effet sur leur cotation BDF, ce point étant apprécié en fonction de la situation propre de chaque entreprise.
Les entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 750 000 euros ne sont par ailleurs pas concernées par les cotations BDF.
Il apparait dès lors que l’impact de la restructuration des PGE sur les cotations BDF ne devrait pas être une réelle difficulté en pratique et les cas de PGE à restructurer pour des entreprises bien cotées devraient rester rares.
Il nous a également été confirmé que la restructuration des PGE n’est pas limitée par une durée maximale dès lors qu’elle intervient dans le cadre d’une procédure de conciliation ou d’une procédure collective. Ce point est précisé par la FAQ (question n°54).
L’établissement bancaire qui consent une telle restructuration, dès lors qu’elle s’inscrit dans une procédure de conciliation constatée ou homologuée ou dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement, n’encours aucun risque de remise en cause de la garantie de l’Etat. Dans le cadre des procédures de sauvegarde ou de redressement, il sera possible d’obtenir des accords de remboursement sur une durée supérieure à 10 ans (15 ans en matière agricole) dès lors que ces accords seront constatés dans le plan par le juge.
Pour les cas les plus atypiques, les banques pourront se rapprocher de BPIFRANCE pour avoir une réponse au cas par cas, laquelle pourra se retourner vers la Direction Générale du Trésor si besoin.
Toujours en lien avec le rôle de tiers de confiance conféré aux administrateurs et mandataires judiciaires, il conviendra de rester vigilant quant à la stricte adéquation des efforts sollicités par rapport à la situation de l’entreprise. De même, sauf cas spécifique, les procédures amiables devraient principalement concerner des restructurations portant sur des délais raisonnables.
Concernant le cas des entreprises agricoles, il nous a été confirmé que le règlement amiable agricole ne permet pas un maintien de la garantie de l’Etat pour des emprunts restructurés sur une durée totale supérieure à 6 ans. Il conviendra dès lors de doubler le règlement amiable agricole d’une médiation du crédit pour bénéficier d’un allongement de maturité pouvant aller jusqu’à 10 ans. Pour bénéficier de délais supérieurs, il conviendra d’envisager l’ouverture d’une procédure collective.
Sur ce point comme sur les autres modalités de restructuration, il convient de rappeler que l’Etat intervient en tant que garant, ce n’est pas lui qui a alloué les financements. Celui qui est au cœur de la procédure, c’est l’établissement bancaire.
L’Etat n’a pas à intervenir dans la restructuration mais il a besoin qu’un contrôle soit mis en place pour vérifier que les engagements pris à l’égard de la Commission Européenne sont respectés. Le cas des restructurations de PGE et notamment des abandons de créances sur PGE est déjà un point d’attention pour la Cour des comptes.
En dernier ressort, si la Commission Européenne considère qu’une aide illégale a été allouée, celle-ci devra être remboursée.
Il est donc conseillé de faire intervenir le Commissaire aux restructurations ou le Délégué interministériel aux restructurations des entreprises sur les cas toujours sensibles d’abandons de créances sur PGE.
Il conviendra d’être particulièrement vigilants sur la notion de proportionnalité par rapport aux efforts des opérateurs privés. Cela revient à la notion d’égalité de traitement qui prévaut de manière générale dans les procédures préventives et collectives.
Enfin, concernant le sujet des prêts directs de l’Etat (avances remboursables et prêts à taux bonifiés), la notion d’aide de l’Etat est beaucoup plus marquée et la Commission Européenne a d’ores et déjà indiqué que les abandons sur ces prêts seront considérés comme des aides.
[1]
44% des entreprises ont commencé à rembourser leur PGE
dès la première année et 15 à 20% des PGE sont déjà complètement remboursés.
[2] L’accord de place n’a pas été publié mais l’essentiel
de ses modalités ont été reprises dans la FAQ.
[3] Suspension provisoire de l’exigibilité des échéances
de prêt, généralement le temps de définir le principe et les modalités d’une
restructuration plus lourde des dettes de l’entreprise.